Le16 février 2017, à l’initiative du Centre œcuménique St-Marc, du Service Diaconie du Diocèse et de son Groupe prison, de l’EPUdF et du Diaconat protestant, avait lieu une conférence sur la façon dont sont respectées, en prison, la laïcité d’une part et le droit d’autre part d’y pratiquer sa religion et son culte.
Dans un premier temps, Pierre Bréchon, professeur émérite à Sciences-Po Grenoble rappelait les termes et le sens de la loi du 9 décembre 1905 qui sépare, certes, les églises et l’Etat, mais qui garantit le libre exercice des cultes et crée des postes d’aumôniers salariés par l’Etat dans les prisons comme dans les hôpitaux, les lycées…etc.
On faisait alors connaissance avec six aumôniers en fonction au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces(1) qui, brièvement, montraient comment ils conçoivent leur ministère : une collaboration entre aumôniers, comme le soulignait l’aumônier musulman ; un accueil informel à tout nouvel arrivant ; quatre verbes enfin pour décrire un objectif commun : accueillir, écouter, aider à réfléchir, célébrer. Et ceci dans une juste relation avec l’administration pénitentiaire.
Dans un troisième temps, Corinne ROSTAING, enseignante-chercheur en sociologie à l’Université Lyon II, exposait la méthode et les résultats d’un long travail de recherche sur le fait religieux en prison(2). Le travail porte sur 8 prisons, plus de 500 entretiens avec des détenus et des acteurs de la vie en prison, plus de 80 observations de terrain et le dépouillement de 448 questionnaires remplies par des aumôniers. Sept cultes sont officiellement reconnus par l’administration pénitentiaire dont le bouddhisme et les témoins de Jéhovah. L’aumônier est en général bien accueilli en prison, non seulement parce que c’est la loi mais aussi parce que la religion est perçue comme un facteur apaisant. La pratique religieuse y est vécue par le détenu comme le sentiment d’une présence dans la vie de tous les jours ; le culte, comme un moment de liberté, de « bonheur », comme une façon d’exister autrement mais aussi de se protéger. Il s’agit le plus souvent d’un retour à sa religion d’origine ; très rarement d’une conversion ; mais la prison, insiste la conférencière, n’est pas, comme on le croit souvent, un lieu de radicalisation. Selon C. Rostaing, il y a deux façons différentes, pour les aumôniers de comprendre leur ministère : les uns le centrent sur l’écoute de tous les détenus qui acceptent leur visite ; les autres le centrent sur l’accompagnement confessionnel, insistent sur la dimension éducative, communautaire et morale de la religion qu’ils représentent.
Les aumôniers doivent encore trouver la juste distance dans leurs relations avec l’administration. Celle-ci, selon les lieux et les personnes, « refoule le religieux ou le convoque pour son potentiel de pacification. » Une très riche soirée, - la troisième, à saint Marc, sur le thème de la prison, - qui a réuni environ soixante auditeurs et auditrices. « Souvenez-vous de ceux qui sont en prison » (Heb. 13/3).
René SCHAERER
(1) José CIPRIANO, aumônier protestant, Mohamed JINANI, aumônier musulman, Bernard VINCENT, Paul GENOULAZ et Odile HAGUENIN, tous trois aumôniers catholiques.
(2) Céline BERAUD, Claire de GALEMBERT et Corinne ROSTAING. De la religion en prison, presses universitaires de Rennes, 2016.